Interview de Christian Cévaër

Christian Cévaër est actuellement troisième français au classement des joueurs professionnels européens. Après l’Open d’Espagne en 2004, il a remporté au mois de mai 2009 sa deuxième victoire sur le circuit professionnel européen : l’Open d’Europe de golf, tournoi majeur du circuit Européen, disputé sur le parcours du London Golf Club, à Kent.

Christian Cévaër nous a gentiment accordé cette interview pendant sa courte pause entre la fin du Portugal Masters et son départ pour le Barclays Singapore Open. Ce dernier est le premier des quatre tournois asiatiques sur lesquels il est engagé pour clôturer la saison 2009.


Christian, comment avez-vous vécu la suite de votre saison depuis votre victoire mémorable sur le tournoi "The European Open" en mai 2009 ?

Pour être honnête, difficilement ! Parce qu’après ce grand succès, j’ai été très sollicité. J’ai aussi connu quelques pépins sur le plan physique, donc cela a généré beaucoup de fatigue. Ensuite, à la reprise, la barre est forcément plus haute. Sans forcement envisager d’enchaîner avec d’autres victoires, je visais pour les compétitions suivantes le top 10, voire le top 20. C’est une saison où j’ai connu deux grands bonheurs : une grande victoire et la naissance de ma fille. Et, paradoxalement, c’est aussi une année très difficile : avec des problèmes extra-sportifs et de santé.
Quatre mois après cette victoire, je vis actuellement cette traversée du désert, assez frustré. Je mise beaucoup sur les 3 ou 4 tournois restant, avec un changement d’air, un changement de climat radical pour inverser cette tendance et rester cette année dans le top 60 de l’ordre du Mérite Européen. Il faut que je regagne le terrain perdu par rapport aux autres…

Quel regard portez-vous sur les performances actuelles du golf français au niveau international ?

Dans l’ensemble, nous avions tous bien démarré, avec de très bonnes performances. Finalement, on se rend compte que c’est une année assez difficile pour tout le monde.

Thomas Levet a marqué le pas. Greg Havret, hormis une troisième place au Gleneagles, qu’il avait d’ailleurs remporté en 2008, n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Cette année, sur le circuit européen, depuis ma victoire, il n’y en a plus eu d’autre d’un golfeur français. Cependant, il y a eu une superbe deuxième place de Raphaël Jacquelin à l’Open d’Ecosse.
Malheureusement, il y a deux garçons de notre élite, Michaël Lorenzo-Vera et Jean-Baptiste Gonnet, qui ne sont pas loin de perdre leur carte. François Delamontagne, qui était presque dans la même situation, c’est tiré d’affaires grâce à deux très belles performances, notamment sa 16e place au Portugal Masters.
Finalement, dans l’ensemble, c’est un peu à l’image de ma saison, avec des hauts et des bas…

Quel est le souvenir le plus marquant de vos débuts au golf ?

Au tout début, je me souviens de mes premiers swings en gaucher. Mon père était gaucher et j’utilisais son matériel. Pour la petite histoire, il était membre fondateur du premier golf de Nouvelle-Calédonie, mon pays natal. J’ai fait mes tout premiers swings sur ce parcours qui, à l’époque, n’avait pas encore de greens.

Ensuite, quand nous vivions à Tahiti, il y a eu la rencontre avec un professeur tahitien. J’avais entre treize et quatorze ans, et c’est là que je me suis mis véritablement au golf, grâce à l’enthousiasme et au charisme de ce professeur. Il a vraiment su me communiquer les bons fondamentaux, mais aussi cette passion du jeu. Dans sa petite île au fin fond du pacifique, il a tout de même formé deux champions de France Juniors. C’était un enseignant de grand talent. Le samedi après-midi après l’entraînement, nous allions chez lui pour le goûter et surtout, pour visionner des vidéos de golf. C’était la grande récompense que nous attendions toute la semaine ! Grâce à ses relations avec des pros, notamment avec un pro hawaïen, il recevait des cassettes VHS des tournois du PGA Tour. En regardant ces champions, c’est à ce moment-là que je me suis dit : « voilà ce que je veux faire dans la vie …»

Comment pensez vous qu’un joueur débutant devrait organiser son apprentissage ? Leçons particulières, stages, entraînement individuel ?

Pour un début, je trouve qu’une formule "stage" en groupe qui ne dépasse pas plus de quatre stagiaires est l’idéal.
Ce qu’il y a de formidable au golf, c’est le fait que cela soit non seulement un sport en plein air mais aussi un sport à pratiquer ensemble, même si on a un niveau différent. Le côté social est aussi important : faire un stage à plusieurs permet de rencontrer des gens avec qui l’on pourra progresser, et encore plus si c’est avec des gens que l’on connaît déjà.
Les cours collectifs sont bien pour les bases, mais aussi pour l’ambiance. Cela permet de relativiser ses propres difficultés en voyant que les autres stagiaires aussi peuvent "galérer" au début. Et même si l’on n’a pas toute l’attention du professeur puisque, bien évidemment, il faut la partager.

S’il y a un sport où il ne faut pas se contenter de faire les choses à moitié c’est bien le golf. Ce sport est assez difficile techniquement et il faut aller au bout des choses dans l’apprentissage. Aussi, ce qui est important, est de faire un stage avec un pro PGA France agréé.
Cependant, si on commence à pratiquer le golf en vacances, je n’ai rien à reprocher aux stages "style club". C’est très bien pour une introduction et pour apprendre les toutes premières bases.
Ensuite, si on veut continuer à progresser, il est possible d’envisager les cours particuliers.
Quoi qu’il en soit, je conseille de prendre des cours avant d’aller sur le parcours. Quitte à se dire ensuite : « j’ai 30 de handicap, ça me suffit, je tape ma balle, je fais ma promenade, je suis content ».

Quel secteur de jeu un débutant doit-il privilégier au cours de son apprentissage ?

Le golfeur débutant se rend compte assez rapidement, en fonction de la fréquence à laquelle il joue, que ce n’est certes pas très évident d’utiliser des fers et encore moins des bois. Mais ensuite, sur le parcours, et c’est aussi valable pour les pros, c’est à 100 mètres et moins, et même à 50 mètres et moins pour le débutant, que l’on va jouer le plus de coups et donc risquer de "gaspiller" le plus de coups.
On constate que quand un golfeur a acquit un premier niveau, quand il a appris à bien gripper son club, à bien le swinguer et de façon assez régulière, il se rend compte que pour faire 200 mètres, il va devoir faire deux ou trois coups. Et que pour faire moins de dix mètres, voire moins de cinq mètres, il va faire aussi deux ou trois coups, ou cinq ou six, si on inclue le putting. L’idée n’est donc pas de bien progresser dans le grand jeu pour ensuite tout "foutre en l’air" dans le petit jeu.

Aujourd’hui, beaucoup d’enseignants, pour satisfaire tout de suite le nouvel élève, lui font comprendre le chemin de club pour un plein swing. Mais si l’élève n’a aucune sensation avec son corps, à quoi bon essayer de lui faire exécuter un plein swing ?
Ma philosophie d’enseignement, si je devais enseigner un jour, c'est que l’on doit d’abord apprendre le petit jeu. Pour moi, le swing d’une approche, c’est une partie du geste du grand swing. Plus on va s’entraîner à faire des chips avec l’œil d’un professeur qui va vérifier que c’est techniquement bien fait, avec un bon transfert de poids, etc., plus on va aussi acquérir la mémoire musculaire qui permettra ensuite d’être à l’aise pour réaliser un plein swing.

En France, l’hiver approche : quels conseils d’entraînement pouvez-vous donner aux golfeurs amateurs ?

Pour un vrai golfeur, s’il est passionné, il met un bonnet sur la tête et tant qu’il ne fait pas moins quatre degré, c’est jouable, il y va... ! Il faut s’habiller de façon adéquate. Nous les pros, nous n’avons pas le choix.
Ceci dit, je comprends que lorsqu’il s’agit d’un loisir, on puisse se dire : « la saison de golf est terminée, je vais aller faire du ski ou autre chose... ». Par contre, pour s’entretenir, s’il fait un temps exécrable, dans la mesure du possible, le putting et le chipping sur la moquette sont un bon entraînement. Tous les joueurs le disent, quand on s’arrête de jouer un petit moment, ce que l’on perd le plus, c’est le petit jeu. Pour ceux qui en ont la possibilité, la pratique sur simulateur est excellente, c’est ludique, on s’amuse bien !
C’est bien, quand on est encore dans cette période de débutant, de continuer à travailler cette gestuelle de lancer. Le fait même d’effectuer des swings dans le vide, chez soi par exemple, s’il n’y pas de risque de casse, permet de garder et de travailler la mémoire musculaire.

Ce qui est important aussi pendant ces périodes d’interruption, c’est de rêver de golf. Ce que je veux dire, c’est que quand il neige dehors, c’est l’occasion de revoir son swing grâce aux photos ou vidéo faites par les amis. Et aussi de voir les tournois enregistrés sur Sport+ ou autres, de revoir les swings des pros. Cela permet de s’imprégner inconsciemment des swings des bons joueurs.
Ce qui est bien aussi, quand l’hiver arrive, et là je parle plus de coatching mental, c’est de se rappeler, et ce serait un bon réflexe à prendre, de tous ses supers coups, de tout ce qui a marqué agréablement cette saison. De façon à rapporter avec soi tous ces bons souvenirs au moment de la reprise, qu’ils soient bien présents à l’esprit. C’est agaçant de constater que la nature humaine a toujours tendance à vouloir se rappeler du mauvais coup plutôt que du bon coup. Chez les pros, si nous ne faisons pas attention, c’est pareil. C’est pour cela que nous avons besoin de préparation mentale. Mais ceci n’est pas valable que pour les pros. Même pour les débutants, pour ceux qui ont envie de reprendre au printemps, dans les meilleures dispositions possibles, ces petits conseils peuvent aider.

Quel serait votre message ou encouragement pour les golfeurs débutants ?

Leur dire déjà, d’entrée, puisqu’ils ne sont pas censés le savoir, c’est qu’effectivement, le golf est l’un des mouvements sportifs qui englobent le plus de chaînes musculaires du corps. De ce fait, d’un point de vue biomécanique et technique, quand on commence alors qu’on est adulte, ce n’est pas un mouvement corporel naturel, d’où les difficultés. Je les encourage avant tout à être patient avec eux-mêmes. Qu’ils ne soient pas trop pressés. Il vaut mieux avoir la volonté et la discipline de faire beaucoup de practice et de prendre une bonne demi-douzaine de cours avant même d’aller sur un parcours.

Une anecdote qui peut amuser vos internautes : le père de Tiger Wood n’a pas amené Tiger sur un parcours avant d’être sûr qu’il allait être capable de bien jouer. De cette manière, il savait que son fiston n’allait pas être découragé lorsqu’il irait pour la première fois sur un parcours de golf.
S’il faut être patient, il faut aussi un minimum de pratique. S’il s’agit de ne faire un swing que toutes les deux semaines, cela peut entraîner beaucoup de frustration. Il faut s’entraîner un maximum et être gentil avec soi-même. Oui, surtout gentil, patient et compréhensif envers soi-même…

Merci, Christian Cévaër, pour votre disponibilité et votre gentillesse. Nous vous souhaitons le meilleur pour cette fin de saison 2009.

Le site officiel de Christian Cévaër : www.christian-cevaer.com

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